À l’occasion de la Semaine de la littérature organisée du 24 au 29 novembre 2025 à l’Institut français du Cameroun (IFC), auteurs, éditeurs et professionnels du livre africain se sont réunis à Douala pour interroger l’avenir de la création littéraire. Le café-presse, tenu le vendredi 28 novembre, a offert un espace d’échanges autour d’un enjeu majeur : comment le livre africain peut-il se renouveler face à l’expansion des réseaux sociaux et l’irruption de l’intelligence artificielle ?
Dès l’ouverture des échanges, Armelle Touko, directrice des Éditions Adinkra, a donné le ton : « L’IA n’est pas un auteur. Celui qui se sert de l’IA n’est pas un auteur. » Pour l’éditrice, l’arrivée massive des outils d’IA générative dans le processus d’écriture pose un problème d’authenticité. Elle affirme ne plus recevoir de manuscrits réellement originaux : « 99 % des textes que je reçois ne sont pas au niveau attendu. Beaucoup manquent d’âme et de travail personnel. »
Selon elle, certains jeunes auteurs cèdent à la facilité, délaissant la recherche approfondie ou la construction patiente d’une œuvre. Elle souligne également que l’usage non déclaré de l’IA pourrait, à terme, ouvrir la voie à des poursuites judiciaire pour tromperie.
Le débat, modéré par la journaliste Carole Leuwé, a réuni plusieurs figures de la scène littéraire francophone parmi lesquelles Kouam Tawa, dramaturge et poète camerounais ; Elisabeth Daldoul, fondatrice des éditions Elyzad (Tunisie) ; Joël Assoko, écrivain et journaliste économique (Côte d’Ivoire) ; et Armelle Touko, directrice des Éditions Adinkra (Cameroun). Tous ont apporté leur regard sur les nouveaux défis du secteur et ont, pour la plupart, condamné l’usage de l’IA dans la chaîne de production du livre.
Les réseaux sociaux : menace ou opportunité ?
Contrairement aux idées reçues, les professionnels ne considèrent pas les réseaux sociaux uniquement comme des adversaires. Ils les perçoivent aussi comme de nouveaux lieux de lecture où le livre peut toucher un public plus large. « Les gens ne lisent plus comme avant dans le livre, mais ils lisent et beaucoup en ligne », a expliqué Kouam Tawa, qui présentera samedi 29 au matin le recueille de poème qu’il publie depuis deux ans sur les réseaux sociaux. Selon lui, ces plateformes constituent un espace d’ouverture, permettant d’atteindre des lecteurs souvent éloignés des circuits traditionnels « Les réseaux sociaux prolongent le geste d’écriture. Ils donnent accès à d’autres lecteurs. »
Pour Armelle Touko dont la maison d’édition est spécialisée dans la littérature jeunesse, Les réseaux sociaux représentent aussi un outil pour toucher les parents, détenteurs du pouvoir d’achat.
De son côté, Elisabeth Daldoul rappelle que ses éditions, spécialisées dans les romans et nouvelles pour adultes, utilisent ces plateformes comme leviers de visibilité : « Les réseaux sociaux attirent l’attention du lecteur potentiel, pas forcément celle du grand lecteur. Mais ils restent un appui incontournable. » Elle regrette toutefois la disparition progressive de médiateurs essentiels comme les journalistes.
Joël Assoko, quant à lui, insiste sur l’importance d’une présence numérique maîtrisée. Il explique que l’annonce de ses ouvrages sur LinkedIn par exemple lui permet de toucher un lectorat professionnel et engagé, preuve qu’un usage réfléchi des plateformes peut renforcer la visibilité d’un auteur.
Préserver le livre africain dans un écosystème en mutation
Entre l’urgence de s’adapter au numérique et la volonté de défendre une littérature exigeante, le débat met en lumière les défis contemporains de l’édition africaine : manque d’originalité des manuscrits, concurrence des contenus instantanés, fragilité économique des maisons d’édition, attention du public captée par les écrans… Mais malgré ces obstacles, les intervenants partagent une conviction commune selon laquelle le livre demeure un outil essentiel pour transmettre, imaginer et former les générations futures.







































